2011 Juin

Indonésie: foi et petites pilules blanches

de Joanne Gundry

Que puis-je dire de mon voyage en Indonésie? Qu’il faisait très chaud, certainement, que c’était poussièreux et sale, et extrêmement exigeant, mais aussi rafraîchissant et immensément illuminant. Certains me jugeront très courageuse et d’autres complètement folle pour avoir entrepris ce voyage. Avec du recul, je suis contente de ne pas m’être posé trop de questions, autrement je ne serais jamais partie. Étant seulement une étudiante de deuxième année, au Bay of Plenty College of Homeopathy en Nouvelle Zélande, je suis partie avec quelques remèdes homéopathiques, mon répertoire de Kent et deux livres de pathologie, comme seules armes. Tout ce que je peux dire, c’est ceci : faites attention à ce que vous demandez dans vos prières, vous serez exaucé d’une façon ou d’une autre!

Je me joignis à une mission qui partait pour l’Indonésie et qui était principalement constituée de médecins conventionnels; j’étais la seule infirmière ‘homéopathique’. Nous nous dirigeâmes sur les îles Mentawai, un petit groupe d’îles le long de la côte de Sumatra qui souvent ne sont même pas indiquées sur les cartes,  une région qui fut durement touchée par le tsunami de 2005.

En arrivant à Medan, il est immédiatement évident que l’Occident est loin derrière nous. Nos sacs sont éventrés et fouillés ; toutes les médicaments sont confisqués, pour être plus tard revendus au marché noir sous la forme de poudre. Les bandages, pansements, etc , sont ignorés mais tout le reste a disparu. Lorsque mon tour et celui de mes petites pilules arrive, des images de cellule de prison crasseuse dans laquelle je pourrais pourrir pendant des mois, me viennent à l’esprit. Mais non, miracle, le garde me rend le tout, me disant dans un anglais très approximatif “pas bon, pas bon”. Plus tard, quelqu’un m’expliquera que mes petites pilules ne sont ‘pas bonnes’ car elles n’ont aucune valeur marchande. Je n’arrive pas à y croire : je suis libre de partir!

Alors, nous partons et là, la réalité de la situation nous frappe en pleine figure : pas d’hôpital, pas d’ambulance, pas d’électricité, pas d’eau courante, peu de nourriture, aucune aide à des kilomètres à la ronde et des gens qui meurent dans la rue; face à tout cela, je n’ai que la force de ma foi et mes petites pilules blanches. 

Tristement, les docteurs, privé de leurs médicaments, décident qu’ils n’ont plus rien à faire ici et repartent. Je reste donc seule avec une autre infirmière et quelques routards.

Je vais passer les 4 semaines suivantes à voyager à travers les différentes îles. Pendant cette période, je vis environ 400 patients avec des cas souvent extrêmes : gangrène (grouillante de vers), dengue, paludisme, tuberculose et lèpre. Je travaillai dans une colonie de lépreux pendant 10 jours avant de remonter la côte et d’organiser des cliniques itinérantes. Les gens voyageaient pendant des heures pour venir nous voir, attendant souvent toute la journée dans une chaleur de plus de 30? pour une consultation de 15 minutes. Pardonnez mon manque de photos, mais une fois mes batteries usées, je n’ai pas pu les remplacer ; le magasin le plus proche était à 3 jours de marche!

Le premier soir de mon arrivée sur l’île, exténuée par les trois jours de voyage, on vient me chercher à 2 heures du matin, pour aller voir une vieille dame, d’à peu près 73 ans, qui avait fait une chute trois mois auparavant et qui souffrait énormément. La famille n’avait pas d’argent pour payer le docteur et le seul médecin missionnaire de l’île refusait de les aider: “Elle va mourir de toute façon, j’ai peu de médicaments et rien qui puisse la soulager.” On la laissa donc souffrir en attendant qu’elle meure. Elle avait une fracture de la hanche et une de ses jambes était gangrénée. La famille enleva les bandages et je fus accueillie par un nuage de mouches venant d’entre ses orteils. La plaie sentait la viande pourrie et je dus me retenir pour ne pas vomir. La femme était hystérique tellement elle souffrait. Elle roulait d’un côté et de l’autre, et sanglotait de douleur ; elle était dans un état de septicémie avancée. La peau était visqueuse et se détachait en lambeaux ; je n’osais pas y toucher de peur que son pied ne me reste dans les mains. Que faire?

Viande avariée : Pyrogenium; septicémie : Arnica; douleur : Hypericum. Je donnai les trois remèdes en même temps. Certains diront: “Non, vous ne pouvez pas donner trois remèdes en même temps.” Cette femme était dans un état de souffrance extrême et avait besoin d’être traitée immédiatement et efficacement. Je lui donnai les remèdes en 1M, toutes les 30 secondes, pendant 5 minutes, jusqu’à ce qu’une amélioration se produise. Je revins la voir vers 6 heures du matin ; elle avait dormi comme un bébé depuis mon départ, l’odeur de pourriture avait disparu et les mouches étaient allé s’installer ailleurs. Une autre dose de Pyrogenium, d’Arnica et d’Hypericum suffirent pour consolider l’amélioration.

                     

La vieille femme mourut le lendemain, tranquillement, sans souffrir, ce qui pour la famille représenta beaucoup plus je ne pourrais l’exprimer. Son enterrement fut pour moi l’une des expériences les plus humbles que j’ai vécues.

Un autre cas fut celui d’un homme très calme travaillant comme vélo-taxi et qui avait une plaie à l’intérieur de la cheville ; à chaque fois qu’il donnait un coup de pédale, il se cognait sur la pédale et la plaie se rouvrait. Il ne pouvait pas s’arrêter de travailler et la plaie empirait de jour en jour : un cercle vicieux.

Il arriva en boitant, la plaie coulait. Comme il ne pouvait pas s’exprimer, je n’avais aucune autre modalité que ‘écoulement comme du miel’. Me référant à Nash : “éruptions avec écoulement épais, comme du miel”, je prescrivais Graphites 200C, 5 doses, une toutes les minutes et il partit. Il revint trois jours plus tard, l’écoulement avait cessé et la plaie commençait à se refermer. Trois jours après, la plaie s’était refermée encore plus, et la dernière fois que je l’ai revu, elle était complètement guérie.

Une mère arriva en consultation extrêmement angoissée, portant son enfant dans ses bras. Il avait une fièvre de 42? ; je n’en n’avais jamais vu d’aussi élevée. L’enfant restait dans les bras de sa mère, buvant de grandes quantités d’eau et urinant aussi vite qu’il buvait. Lorsque j’essayais de prendre l’enfant pour l’examiner, il se mit à crier. Dès qu’il retourna dans les bras de sa mère, il redevint calme. “Vieil ours grincheux avec une grande soif” : Bryonia 1M toutes les 10 secondes. En l’espace d’une minute, sa température baissa à 40?, puis 38 et quelques minutes plus tard, elle était à 37.5. Si la température avait baissée, la peau de l’enfant, elle, demeurait brûlante et sèche. Le remède suivant fut Sulphur 1M, en trois doses, ce qui ramena la température de la peau à la normale. Dix minutes plus tard, l’enfant se leva et commença à se promener, regardant une mère et une homéopathe complètement stressées avec un air qui semblait dire : “En voilà une histoire pour pas grand-chose!” Puis il sortit pour aller jouer.

Cette expérience a été pour moi un véritable acte de foi, y compris toutes les maladies que j’aurais pu attraper. J’ai pensé, bien sûr, à être vaccinée mais cela m’aurait paru bien hypocrite de faire confiance à l’homéopathie pour les autres et pas pour moi. J’ai donc pris des traitements homéopathiques prophylactiques : dengue, nosode de la fièvre, polio, TB, paludisme, diphtérie, choléra, typhoïde, tétanos, et une combinaison d’hépatite A et B. Je n’ai pas été malade une seule fois alors qu’étrangement, la plupart des membres de notre groupe qui s’étaient fait vacciner, sont tombés malades et ont fini par demander à être traités homéopatiquement. Malgré les nombreux contrôles radiographiques d’aéroports, le manque quasi systématique d’hygiène - les pilules tombant par terre, passées de mains sales en mains sales, et les prescriptions multiples simultanées – “les petites pilules blanches” ont fait leur boulot!

                                                         

Les mémoires de ce voyage me poursuivront toute ma vie ; marchant partout où je devais me rendre, dormant sur des sols poussièreux, puisant l’eau de puits profonds de plus de 10 mètres, ramassant le bois pour faire le feu qui me permettrait de faire bouillir l’eau avant de la boire. On m’apprit à attraper des poissons avec des lignes rudimentaires. Un jour, j’échangeai une consultation contre une aide à vider un poisson ; je n’oublierai jamais Aloe pour hémorroïdes en grappes, tout comme le patient satisfait ! Je pouvais supporter l’odeur et la vue de la gangrène et de ses vers mais le regard d’un poisson mort, ça, c’était trop! La vie est ironique parfois. 

Les gens étaient incroyables et semblaient connaître le sens de la vie. Ils sur-vivaient de pratiquemment rien et souvent ne possédaient que les habits qu'ils portaient et pourtant je n'ai jamais passé une nuit dehors ou manqué de nourriture. Partout où j'allais, on m'offrait une tasse de thé sucré; une boisson aussi précieuse que l'or pour eux et réservée aux invités de marque. J'ai appris que ce n'est pas la richesse matérielle qui nous rend heureux mais les gens qui peuplent nos vies. J'ai appris que ce n'est pas le bonheur qui nous remplit de gratitude mais la gratitude qui nous rend heureux.

Photos: Joanne Gundry

 

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Mots clés: extrême pauvreté, lèpre, paludisme, TB, dengue, gangrène
Remèdes: Aloe vera, Arnica montana, Bryonia alba, Graphites, Hypericum perforatum, Pyrogenium

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Reply #1 on : Mon June 20, 2011, 21:42:42
emouvant et plein d'espoir merci