2010 Octobre

Torako Yui: le miraculeux succès de l'homéopathie au Japon; 1ere partie

de Akemi Tsuzuki

Il y a encore une quinzaine d’années, l’homéopathie était relativement peu connue au Japon, en particulier, et en Extrême Orient en général. Cette situation a considérablement changé au Japon ces dix dernières années. Cette année, il y a plus de 500 homéopathes professionnels recensés travaillant dans environ 200 cliniques à travers le pays et on estime à plus de 100.000 le nombre de japonais utilisant la médecine homéopathique.

A la réunion inaugurale du Conseil International d’Homéopathie, une organisation fondée pour soutenir l’enseignement de l’homéopathie et la dissémination de ses possibilités thérapeutiques, cette poussée fut baptisée « Le Miracle de l’Homéopathie Japonaise ». Ce miracle n’aurait pu avoir lieu sans le travail et l’engagement de Torako Yui. Après avoir été la première homéopathe japonaise inscrite à l’Association Médicale Homéopathique en 1994, Torako s’est fixé comme but de faire connaître l’homéopathie à travers le monde. Dans cette première partie, Torako partage son expérience personnelle de patiente et plus tard d’étudiante.

A l’âge de 33 ans, une colite ulcéreuse avec melaena et coliques me rendit la vie extrêmement difficile; la proximité de toilettes étant impérative, sortir de la maison ou du bureau était devenu une périlleuse aventure. Les deux premières années, je reçus divers traitements, stéroïdes inclus, qui n’eurent que des effets palliatifs; dès que j’étais stressée, les ulcères s’enflammaient à nouveau et je recommençais à saigner. Mon style de vie était en fait la raison pour laquelle cette colite ulcéreuse refusait de guérir; lorsque j’étais fatiguée, je l’ignorais et continuais à travailler souvent jusqu’au petit matin.

C’est durant ma seconde année de traitement que je découvris l’homéopathie. J’étais devenue déprimée et négative; j’éprouvais un sentiment d’injustice, comme si j’avais été spécialement choisie pour souffrir de cette manière. Avec le recul, je compris qu’il était évident que je ne pouvais me guérir en étant dans un état mental aussi dépressif. Ma condition se détériorait et l’on me prescrivait tranquillisants, diurétiques, antibiotiques et traitements ferreux sans aucun effet. Finalement, les médecins m’annoncèrent qu’une colectomie serait nécessaire avec mise en place d’une colostomie.

Cette même nuit, je fis un rêve à propos de traitement. Je suis maintenant persuadée que ce rêve m’indiquait de rechercher un traitement homéopathique. Au réveil, cependant, tout ce dont je me rappelai était cette phrase: « traite les semblables par les semblables, un traitement a besoin de son semblable. » J’appelai alors une collègue anglaise et lui récitai cette phrase. Elle me répondit qu’elle indiquait sans doute l’homéopathie et tout mon rêve me revint; c’était évidemment d’homéopathie que j’avais rêvé. Normalement, je n’étais pas vraiment le genre de personne qui croit que les rêves donnent des signes, mais il faut vous rappeler que j’étais vraiment dans une situation désespérée.

Ma première visite chez l’homéopathe fut assez étrange et les questions posées me semblèrent peu à propos pendant que d’autres auraient pu sortir de la bouche d’un psychologue; je me sentis dénudée et exposée. Il me demanda de lui raconter mes habitudes, mon caractère et de quelle façon je gérais les situations rencontrées; si le soleil, la lune et les différents types de temps m’affectaient. Je fus interrogée sur mes habitudes alimentaires, mes rêves, mes peurs et comment je gérais mes émotions. Certaines questions étaient vraiment étonnantes: mon poids de naissance, si j’avais été nourrie au sein, et une série de questions sur mes antécédents familiaux. Je réalisai que j’en savais bien peu sur moi-même et encore moins sur ma famille. Toutes ces choses n’étaient pas discutées par mes parents.

La consultation durant, j’attendais que l’homéopathe me pose des questions sur mon problème de colite et j’essayai d’aborder le sujet, car c’est de cela dont je voulais parler, mais l’homéopathe ne semblait pas penser que c’était important; en une heure de consultation, le sujet ne fut pas discuté plus que cinq petites minutes. A la fin de la consultation, il me tendit quatre petites pilules, chacune avec un nom différent. Je me sentis lésée; pas de blouse blanche et aucun intérêt pour ma maladie. Je partis me demandant pourquoi j’avais accordé ma confiance à un rêve.

Lorsque je revins chez moi, je décidai de prendre les pilules malgré tout; ne pas les prendre aurait été un gaspillage et, qui plus est, une petite pilule par jour ne pouvait sûrement pas me faire de mal. Le cinquième jour, je me sentais tellement faible que je ne pouvais même pas me lever. J’avais de la fièvre et mes articulations étaient douloureuses. Je parvins à me traîner jusqu’aux toilettes et revins me coucher, pliée en deux par la douleur; je souffrais terriblement. Je décidai d’appeler l’homéopathe, suppliant qu’il m’aide: « Aidez-moi, je ne peux pas me tenir debout et toutes mes articulations sont enflammées. » Il me répondit sèchement: « bonnes nouvelles, retournez vous coucher, essayez de vous détendre et de dormir. » Il raccrocha. Je n’en revenais pas : bonnes nouvelles? Cet homme était de toute évidence un charlatan ou un escroc; comment avais-je pu être aussi crédule? Pourtant, bien que la douleur ait empiré, je remarquai que les diarrhées avaient disparu. La douleur me rappelait une douleur semblable dont j’avais fait l’expérience lors d’une sévère grippe, lorsque j’avais 26 ans. J’avais continué mon traitement d’antibiotiques mais il ne m’apportait aucun soulagement. La douleur continuait à me plier en deux et j’étais toujours fiévreuse. Trois jours plus tard, la douleur commença à s’améliorer mais je me sentais étourdie. Les diarrhées d’une couleur rouge sombre avaient recommencé et comme je n’avais rien mangé depuis plusieurs jours, je pensais que mes intestins étaient en train de se nettoyer du résidu de sang.

Une semaine plus tard, je commençais à ressentir de la colère. Ces accès de colère devinrent de plus en plus fréquents ainsi que l’envie de casser des objets. Je me sentais trahie et abandonnée par la société: le temps et l’énergie investis à mon travail n’avait donné aucun résultat, je ne réussirais jamais dans cette société patriarcale, où être à l’extérieur des normes était synonyme d’exclusion. Ma santé n’était pas bonne parce que je travaillais tellement pour gagner l’approbation de mon patron que je négligeais mon corps. Je laissais aux autres le soin d’évaluer ma propre valeur et je me rendais malade. Je réalisais aussi qu’intérieurement existait toujours une petite fille qui recherchait l’approbation du patron de la même manière qu’elle avait recherché l’approbation d’une mère affectivement distante. Cette recherche de louanges me donnait un sentiment d’être sans valeur et de désespoir.

Piégée par cet état émotionnel hautement sensible, je passais de la rage aux pleurs. Lorsque la colère me quitta, elle fut remplacée par la tristesse provoquée par une vision de la vie, âpre et dure. Tout cela peut paraître puéril, mais l’idée qu’intérieurement je portais encore la souffrance des traumatismes de l’enfance et que c’était cette enfant en moi qui pleurait, me frappa. Curieusement, je ne remarquais pas immédiatement les changements au niveau physique: mes selles, quoique molles, n’étaient plus sanglantes.

Un jour, toujours noyée dans mes larmes et dans la contemplation de ma triste enfance, j’aperçus les premiers bourgeons printaniers dans le jardin: crocus, pruniers et nénuphars, et la pensée me vint que ces bourgeons merveilleux vivaient leur vie entière sans jamais pouvoir se plaindre ou s’éloigner d’une situation difficile. Je réalisais que malgré mes problèmes – manque de respect au travail, manque d’argent en général – j’avais plus de choix que ces plantes et, en fait, que tout le monde naturel. Mon enfant intérieur me contrôlait, comme le ferait un enfant manquant d’expériences concrètes. Je réalisais aussi que si je percevais une situation comme étant bouleversante, je pouvais facilement me laisser aller à être moi-même bouleversée, par contre si je percevais une situation comme un défi à relever, je pouvais aussi facilement me montrer à la hauteur de ce défi. Je commençais à entrevoir la relation entre le contrôle de mon esprit et ses effets sur ma santé; je ne voulais plus laisser mon enfant intérieur contrôler ma vie et je voyais que je ne pourrais trouver aucune paix si je continuais à participer à l’avidité matérialiste du monde. Je suis persuadée que ma maladie m’a appris ces leçons.

En l’espace d’un mois, la colite ulcérante guérit. Comme je racontais cela à mon homéopathe, lors de notre deuxième consultation, je remarquais qu’il souriait, comme s’il avait toujours su que cela serait ainsi. Ma personnalité aussi avait changé; alors que j’avais été plutôt stricte et perfectionniste, j’étais maintenant un peu flemmarde. Je faisais ce que je voulais, quand je voulais; je négligeais les travaux ménagers et ma maison avait un air permanent de venir d’être cambriolée. La seule chose qui m’intéressait était le jardinage, et plus je passais de temps dans le jardin, plus j’étais heureuse – comme un enfant qui ne connaîtrait aucun souci. Comme je m’installais petit à petit dans cette vie où je me sentais comblée, je réalisais que j’avais le désir de partager mon expérience et que je voulais étudier l’homéopathie.

L’enthousiasme de mes débuts d’études homéopathiques fut vite tempéré par la difficulté que j’éprouvai à déchiffrer les textes des cours. Les livres étaient vieux de plus de cent ans, remplis de citations grecques et latines, et écrits en anglais ancien; pour moi, japonaise, c’était vraiment de l’hébreu! Je remarquai aussi qu’un bon nombre d’anglais avaient les mêmes difficultés. Je demandai de l’aide, car j’étais souvent en larmes à la fin des cours, mais sans résultats.

Malgré les pleurs et la frustration provoquée par mon incapacité à maîtriser ces textes anciens, je ne pouvais pas renoncer à mon désir d’apprendre l’homéopathie et à mon projet d’introduire cette excellente thérapie au Japon. Je décidai d’arrêter mes études dans ce collège et recommençai dans un autre établissement qui semblait mieux préparé pour aider les étudiants étrangers. Lors de mon entretien avec le directeur, Robert Davidson, celui-ci me dit quelque chose qui me parut étrange: « Soyez la bienvenue, nous vous attendions. Nous pensions que vous seriez un médecin expérimenté, mais bon, vous voilà et vous êtes une jeune femme… cela n’a aucune importance. L’homéopathie a besoin d’être développée en Asie, vous devez prendre vos études très au sérieux et l’introduire au Japon! » Robert et l’équipe enseignante m’offrirent un généreux soutien, ainsi que mon amie et professeur privée, Meg Portal. A la fin des mes trois années d’études, j’eus la chance d’être retenue pour entrer dans le cours de maîtrise du Dr William Nelson qui avait travaillé sur le projet spatial Apollo. Après avoir obtenu mon diplôme, je m’inscrivis à l’Association Médicale d’Homéopathie et devins une homéopathe agréé.

Tout au long de ma carrière, j’ai constamment réévalué ma pratique homéopathique car j’ai souvent le sentiment que mes patients m’aident à guérir au moins autant que je les aide. L’homéopathie ne m’a pas seulement aidé à guérir de la maladie qui m’affectait mais elle a aussi comblé ma vie. J’éprouve une sincère gratitude à son égard et je crois toujours fermement que, comme Robert me l’avait annoncé, ma vocation était d’introduire l’homéopathie au Japon! 

                                               

 

 

Catégories: Général
Mots clés: homéopathie, Japon, miracle
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