2013 Avril

Tousseur, vorace et exigeant: cas et MM de Coccus cacti

de Jacques Lamothe

C. 1 an; corps étranger dans l’œil.
C. a une sœur jumelle. Des deux, c’est la plus goulue et la plus tonique. Nourrie au sein exclusivement jusqu’à 3 mois puis sevrée à 6 mois. On note qu’à 6 mois, elle est effrayée et pleure très fort quand sa mère hausse le ton ; c’est un bébé qui supporte mal les changements, elle a besoin de calme sinon elle ne peut dormir s’il y a du bruit ; aussi, elle va mieux quand sa jumelle n’est pas proche d’elle. Elle est très goulue et épuise sa mère par son besoin de téter souvent et beaucoup, par son irritabilité ; quand elle crie, elle se cambre fortement en arrière.
Á partir de l’âge de 6 mois, elle enchaine sans cesse des épisodes d’infections respiratoires supérieures avec toujours beaucoup de toux. Bronchite à 10 mois guérie par Senega 15 CH.

Á un an, elle présente un inflammation oculaire aigue avec beaucoup de cris et d’agitation. Un ophtalmologiste consulté diagnostique un corps étranger dans la cornée et donne un collyre antibiotique-corticoïde. Sans effet. Elle fait alors une éruption dentaire difficile qui entraine un rhume, qui dure puis une bronchite se déclare 3 semaines après, avec une otite séreuse à l’examen. Le corps étranger oculaire demeurant toujours présent avec conjonctivite et kératite, l’ophtalmologiste prévoit une intervention pour l’enlever sous A.G.

Coccus cacti 15 CH la guérit de la bronchite et permet l’évacuation du C.E. cornéen puisque 4 jours après, au moment d’intervenir, le spécialiste annule l’intervention, constatant qu’il n’y a plus rien. La cornée cicatrise parfaitement en 15 jours et elle ne présente plus aucune bronchite ni épisode tussigène, avec une TBS.

Le remède a été trouvé simplement sur les symptômes : blessure oculaire par corps étranger (EYE, injury, foreign body : Coc-c., R.U.) enfant tousseur, vorace et exigeant.

Matière Médicale de Coccus cacti

Coccus cacti ou encore dactylopius coccus est un insecte de la famille des cochenilles (coccoidea), insectes hémiptères pourvus d’un rostre piqueur qui leur sert à se nourrir en suçant la sève des plantes : ce sont des animaux parasites des végétaux, des phytoparasites externes et permanents. La cochenille du cactus est originaire du Mexique et parasite des cactus du genre opuntia (nopalea).

Les cochenilles se sont répandues dans le monde entier (8 500 espèces), des toundras à l’équateur, depuis leur apparition au mésozoïque (- 140 millions d’années), celles des régions chaudes étant plus grosses que celles des pays froids. La plupart d’entre elles sont considérées comme nuisibles car portant atteinte aux cultures. La femelle de la cochenille du cactus, par contre, a su se révéler utile à l’homme qui en fit l’élevage pour le pigment rouge intense extrait des corps des parasites, le carmin : à la suite des aztèques, les espagnols l’importèrent au XVI° siècle en Europe qui en fut et en est encore très gourmande, puis se répandit dans le reste du monde.

Le mot carmin (ou kermès) signifie en sanskrit « pigment rouge produit par un ver »  (il est ensuite passé à l’arabe puis au latin, puis au vieil espagnol puis au français). Ce pigment-laque organique naturel est inaltérable à l’air et possède une très belle couleur rouge vif, écarlate, rappelant le sang. Il protège l’animal des prédateurs (papillons, fourmis, coccinelles) en les repoussant. Il est obtenu après récolte, cuisson, broyage des corps des parasites puis par divers traitements d’épuration. Actuellement, le Pérou fournit 80% de la production mondiale avec 200 tonnes par an. Ce pigment est l’acide carminique, qui est une anthroquinone. Il est utilisé comme colorant naturel et “non toxique“, le E 120, dans des domaines très divers : alimentaires (saucisses de Francfort, certains laitages, sodas, bonbons, gâteaux, liqueurs), vestimentaires (uniformes), cosmétiques (rouge à lèvres), encres et peintures artistiques (Michel-Ange), poteries, pharmacie. Des recherches ont démontré sa quasi-innocuité ainsi que d’autres propriétés : immunomodulateur ( IgM), antibactérien, antithrombotique, œstrogène). Il est toutefois suspecté de provoquer de l’hyperactivité chez les enfants et il est donc déconseillé dans les cas de TDAH et de syndrome hyperkinétique ; des doutes subsistent quant à des effets mutagènes et cancérigènes ou au contraire anticancéreux.

Le remède homéopathique est réputé pour guérir la coqueluche et les toux rebelles et violentes. Dans l’industrie du carmin, des toux et dyspnées asthmatiformes ont été régulièrement observées. D’autre part, avant l’utilisation homéopathique, le carmin était utilisé à faibles doses par la médecine populaire comme antitussif et anticoquelucheux. Ces effets tussigènes sont le fait de quinones, qui sont contenues dans d’autres remèdes antitussifs comme Drosera, Rumex et Sticta pulmonaria.

Revenons à l’animal, la cochenille du cactus, autrefois appelée « poux des plantes ». Ces insectes sont essentiellement représentés par les femelles, de forme ovale, au corps mou, quasiment sans pattes, qui mesurent 5-6 mm et sont de couleur grise à l’extérieur alors que les mâles sont bien plus petits et mobiles grâce à leurs deux ailes et à leurs pattes développées ; mais ces derniers, dépourvus de pièces buccales ne peuvent vivre qu’un à deux jours, le temps des accouplements, au printemps. Les femelles, elles, survivent plusieurs mois en se nourrissant entièrement avec la sève du cactus, jusqu’à l’automne. Elles produisent alors de grandes quantités d’œufs qui seront disséminés alentour. Ce qui est frappant chez les femelles, c’est leur aspect néoténique, c’est à dire qu’une morphologie larvaire est conservée à l’âge adulte : en effet, elles sont sans ailes, ni pattes, ni antennes, et ne bougent pas de leur place sur leur hôte. Seuls les larves (nymphes) se déplacent jusqu’en haut du cactus, puis produisent de longs filaments de cire dans lesquels le vent se prend et les emporte vers un autre hôte ; il ne leur reste plus qu’à se déplacer vers leur point de fixation définitif : elles ne bougeront plus, et leurs pattes involueront. Elles sont donc sessiles, c’est à dire définitivement fixées sur leur hôte, à la manière des éponges et des coraux sur le sol marin.

Génie du remède

La cochenille possède d'abord toutes les caractéristiques des insectes:

- forte activité, incessante, avidité, axée sur la nourriture, et dépendance de celle-ci

- paresse en dehors de cela, sédentarité

- animal prolifique, envahissant, cherche à couvrir la planète

C’est aussi un insecte parasite, fixé à demeure sur la plante hôte. C’est un pique-assiette exigeant, nuisible, goinfre, dépendant, collant, envahissant et égoïste (car il peut affaiblir l’hôte). Il a peu de ressources et dépend entièrement de son hôte pour les apports.. Il conserve une mentalité infantile (animal néoténique) et régressive. Il y a un manque d’autosuffisance, comme s’il n’y avait pas de moi construit.

La matière médicale fait apparaître un thème surprenant, celui de l’intolérance à tout corps étranger, surtout collant : beaucoup de symptômes semblent dire qu’il ne tolère pas la présence ou l’absorption de tout corps étranger (C.E.), comme si son incorporation, le fait d’en faire sien, lui posait problème. Or, il est lui-même un étranger qui s’est imposé, qui s’est accolé ! Et qui est tellement collé à demeure à son hôte et l’a absorbé qu’on a l’impression qu’il en fait partie à vie, comme s’il y avait un cordon ombilical permanent qui les reliait : alors, qui est étranger ? Ni lui, ni l’hôte ! Ils ne font qu’un. Mais quand ceci se produit chez l’homme, il se demande alors qui il est, lui. Tout se passe comme si ce cordon nourricier fixé posait problème, comme s’il avait la sensation qu’absorber, incorporer l’autre en permanence pouvait lui faire perdre son individualité.

En effet, les symptômes relatifs à cette problématique sont nombreux et frappants dans le remède, avec tendance à rejeter tout ce qui tente de pénétrer par les orifices :
Avidité pour la nourriture mais vite rassasié et confus après manger 
Nausées en avalant 
Nausées par tout C.E. dans la bouche, par ex. en se brossant les dents 
Sensation de cheveu ou de miette dans le nez, la gorge 
Dysphagie pour les liquides, sensation qu’ils passent en force 
Extrême intolérance à tout C.E. dans l’œil, sensation de persistance après ablation 
Vaginisme 
Sensation de boule, de morceau, de bouchon dans diverses cavités du corps : gorge, œsophage, estomac, trachée, etc. 
Hypersensibilité cutanée avec sensation d’être touché (non réel), convulsions par le toucher des paupières 
Production de mucus respiratoire adhérent qui déclenche de très violentes crises de toux avec vomissements, remède n°1 ou 2 (avec Drosera) de la coqueluche dans laquelle on ne peut se défaire d’un mucus très adhérent et qui « prend la tête »
Enfin, l’enfant Coccus cacti est souvent lui-même exigeant, accaparant et paresseux. Un vrai parasite, quoi !

L’expression de ce problème va dépendre de la forme miasmatique du patient.
En égolyse, il ne peut s’ouvrir à l’autre, se mettre dans sa peau ; l’étranger pose un tel problème qu’il a la sensation d’avoir un corps étranger dans son corps qu’il va tenter d’expulser violemment (quintes de la coqueluche, etc.). Il va être extrêmement intolérant à tout corps étranger dans un orifice. Il va vivre les autres et le monde comme dangereux et va devenir lui-même ce qu’il craignait le plus : un étranger isolé dans son groupe où il ne trouve plus sa place ; l’enfant a peur de perdre l’affection de sa mère ou de ses amis et se cramponne à eux ; il est triste, craintif, irritable, plaintif, collant, manipulateur. Il y a une grande précarité, surtout au niveau de l’arbre respiratoire, très fragile : c’est là qu’il y a le plus d’ouverture au monde extérieur.

En égotrophie, il n’y a pas de problème avec l’étranger, il n’y a pas d’étranger, tout le monde est intime, l’enfant est fusionnel avec sa mère ; très avide et dépendant, il quémande constamment quelque chose ; il a l’illusion d’agrandissement ; l’enfant est affectueux, embrasse tout le monde. Enfants comme adultes, ces gens sont sociables, gais, très loquaces, excités intellectuellement, physiquement et sexuellement ; ils sont familiers, veulent être au courant de tout et sont envahissants. Dans cette forme, Coccus cacti ne se distingue pas de l’autre, il cherche au contraire à se mettre dans sa peau, à ne faire qu’une seule substance avec l’autre qui n’est pas lui et dont il dépend.

Symptomatologie

SYMPTÔMES MENTAUX

ÉGOLYSE
L’enfant est :
Craintif, anxieux la nuit –après minuit-, prudent, peur du bain
Collant, embêtant, quémandant constamment l’affection ; peur de perdre l’affection de ses parents et amis, de perdre sa place dans la famille ou dans son groupe d’amis. Peur de manquer, demande toujours quelque chose
Irritable, de mauvaise humeur
Triste. Aime se plaindre. Simule les maladies. Baisse de l’intellect, de l’attention Anorexie
Paresse, indolence, aversion pour le travail et l’effort en général. Régressif

ÉGOTROPHIE
L’enfant est :
Gai, bavard
Affectueux, il embrasse beaucoup, tout le monde
Excité :
   Mentalement : vivacité d’esprit, idées claires
   Physiquement : hyperactivité, syndrome hyperkinétique, TDAH
   Sexuellement : érections et masturbation fréquentes
Grande avidité :
   Veut tout savoir, être au courant de tout ce qui se passe. Indiscret, intrusif
   Veut tout capturer, posséder, demande constamment des choses
   Veut manger tout le temps
Crampon, embêtant, taquin, envahissant. Ne sait pas se prendre en charge, immaturité, régression.

SYMPTÔMES GÉNÉRAUX

MODALITÉS 
< par la chaleur +++, > par le froid, < par les aliments chauds, > par les aliments et boissons froids
< par le froid, l’hiver (ORL-respiratoire); frileux
< au réveil, au lever
< par le toucher, la pression

SYMPTÔMES
Sensations de corps étranger dans diverses parties du corps avec tentative de rejet : sensation de morceau, miette, caillou, boule, bouchon, cheveu, plume, etc.
Sensations bizarres, soudaines, anxiogènes, intolérables, surtout de corps étrangers +++, de brûlures comme du poivre, de déchirement, de tiraillement, de morsures piquantes un peu partout
Hyperesthésie cutanéo-muqueuse, hypersensibilité, intolérance au moindre toucher. Prurit interne intolérable avec spasmes
Mucus visqueux ou gélatineux, abondant et collant +++
< par le vaccin anticoquelucheux (toux)
Appétit vorace, faim n’importe quand. Ou : anorexie avec nausées dès les premières bouchées
Soif fréquente de grandes quantités
Hyperesthésie cutanéo-muqueuse, hypersensibilité au toucher. Prurit interne intolérable avec spasmes
Transpirations profuses
Latéralité gauche. Unilatéralité
Attrait pour la couleur bleu-marine (Ulrich WELTE)

                                                                                                       

SYMPTÔMES PHYSIQUES

ŒIL
Sensation d’un cheveu sous la paupière supérieure
Conjonctivite avec douleur brûlante des paupières
Blessure par corps étranger oculaire. Sensation de la persistance du C.E. après son ablation

ORL
Catarrhe rhinopharyngé tout l’hiver jusqu’au retour de la chaleur, > en plein air
Rhinite avec éternuements fréquents et mucus abondant épais, difficile à expulser
Pharyngite avec mal de gorge brûlant < par la chaleur sous toutes ses formes et > par les liquides froids ; spasmes pendant la déglutition des liquides ou des glaires ; s’étrangle en raclant la gorge ; dysphagie pour les liquides plus qu’avec les solides ; sensation de C.E. dans la gorge
Augmentation de volume de l’amygdale droite
Hypersensibilité à l’abaisse-langue qui provoque de la toux ou/et des nausées
Voix rauque après avoir parlé
Douleurs dentaires < par le froid
Otite séreuse avec oreilles bouchées et sensation de coton dans l’oreille
Prurit dans l’oreille irradiant vers la bouche (catarrhe tubaire), < chaleur

RESPIRATOIRE
Enfants tousseurs, pour la moindre raison, par ex. au moindre exercice. Toux dès l’automne, tout l’hiver.
Coqueluche avec quintes violentes, suffocantes, face cyanosée et vomissements et expectoration de mucus abondant, épais, filant, visqueux, très adhérent, comme du blanc d’œuf. Son évacuation améliore la toux. L’enfant se retient bien qu’encombré en raison de la violence des quintes, mais il doit tousser quand l’encombrement bronchique est devenu maximum.

Modalités de la toux de Coccus cacti :
< à la chaleur +++ de la chambre, du lit, par les boissons chaudes
> par les boissons froides : peut parfois faire avorter une quinte
> à l’air frais : l’enfant demande à dormir dans un lieu frais
< après avoir mangé
< la nuit, pire à 6-7 h du matin, au réveil
< par l’excitation, les efforts
Provoquée par une sensation de chatouillement dans le larynx
Expectoration parfois teintée de sang

SYSTÈME NERVEUX
Excitation gaie, agitation, syndrome hyperkinétique, TDAH
Hypersensibilité extrême au toucher (« convulsions au toucher des paupières » !)
Céphalées « comme si la tête éclatait », < à la chaleur, > au grand air

URINAIRE
Sédiment rouge dans les urines
Cystite, urétrite, dysurie avec brûlure avant la miction et persistant après
Hématurie (proche de Cantharis)
Remède de goutte et de coliques néphrétiques chez l’adulte.Remède de néphrite aigue, avec albuminurie

DIGESTIF
Surcharge gastrique, avec sensation d’estomac plein et lourd et goût désagréable dans la bouche. Vite rassasié
Faim vorace, < peu après manger et n’importe quand dans la journée
Nausées en se brossant les dents ou en se rinçant la bouche
Spasmes de l’œsophage après avoir bu
< après manger : confusion, irritabilité
Constipation avec selles en boules

PEAU
Hypersensibilité cutanée extrême au toucher +++
Fissures des talons l’été (tendon d’Achille)

AUTRES (DIVERS)
Insuffisance cardiaque droite, mal de Bright
Erections fréquentes, excitation sexuelle ; balanite
Hémorragies utérines de sang coagulé. Vaginisme
Lombalgies, douleurs des membres. Crampes des orteils

Photos: Wikimedia Commons
Dactylopius coccus; H.Zell
Cochineal; public domain
Indio que recoge la Cochinilla con una colita de Venado; José Antonio de Alzate y Ramírez

Catégories: Cas
Mots clés: faux-croup, corps étranger dans l'oeil, écoulements visqueux, comportement collant
Remèdes: Coccus cacti

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