2010 Octobre

Uranium nitricum et leucémie lymphoïde chronique

de Ulrich Welte

Elle fait face à une maladie héréditaire du sang: je vois mort et décomposition partout mais je tiens bon contre toute attente.

Une femme de 59 ans, thérapeute, souffrant d’une anémie d’Addison* qui évolue en leucémie lymphoïde chronique* vient me consulter. Elle paraît plus jeune que son âge, intelligente, amicale et semble toujours prête à plaisanter*; il serait facile de passer à côté de la gravité de sa condition*. Elle arrive avec une pléthore de symptômes et de problèmes qui semblent sans fin. Il y a une histoire familiale de leucémie lymphoïde chronique (LLC)*; sa mère et sa sœur en souffrent et son père est mort d’un cancer des os*. Sa formule sanguine révèle une hyperleucocytose et une présence de blastes atypiques*.  Elle présente des adénopathies cervicales*, une hypertension de 150/95 et à cause de l’anémie d’Addison*, elle reçoit des injections régulières de vitamine B12.

Elle est pleine d’entrain et essaye de prendre les choses du bon côté, sans être superficielle*. Elle ne veut pas être un fardeau pour les autres, ce qui la rend particulièrement sympathique car il ne semble pas y avoir d’égoïsme* caché derrière ses problèmes. Ses yeux sont profonds et un pouvoir étrange en émane; un pouvoir qui ne cherche pas à dominer les autres mais qui les laisse être eux-mêmes. Son regard semble exprimer une sorte de triomphe intérieur sur sa faiblesse extérieure/physique. Il semble qu’elle préfère s’amuser de la situation plutôt que de la prendre trop aux sérieux*, malgré sa gravité évidente; sa vie quotidienne est pleine de restrictions. Plus elle parle et plus on est surpris de son entrain face à de telles difficultés.

Son problème principal est digestif. Elle souffre de constipation depuis l’âge de dix ans: brûlures, piqûres douloureuses dans la partie supérieure droite de l’abdomen, comme si quelqu’un y creusait avec un outil tranchant. Six semaines plus tôt, elle a eu une coloscopie qui a révélé la présence de diverticules infectés et des abcès de localisation iléo-caecale. Lavements et exercices de respiration* lui prodiguent quelques soulagements.

Elle a souffert d’infections sévères* toute sa vie mais rarement accompagnées de fièvre*. Elle n’a jamais vraiment été en bonne santé; elle était une enfant maladive*, plus souvent proche de la mort que de la vie*. Sa mère a eu deux interruptions de grossesse* avant de la mettre au monde. A la naissance, elle était chétive et triste*. A l’âge de deux ans, elle souffrit de paralysie pendant deux jours, à la suite d’une infection. Il y eut un soupçon de poliomyélite mais qui ne fut pas confirmé.

Avez-vous eu une expérience frappante qui aurait eu une influence décisive sur vous? 

« Oui, à neuf ans, mon plus jeune neveu est mort. Je l’aimais beaucoup. Ma mère, pensant qu’il était nécessaire que je me familiarise avec la réalité de la mort*, me traîna jusqu’à la morgue. Le corps de mon neveu préféré était là: mort, les lèvres bleues. Derrière, il y avait d’autres cadavres dans des cercueils*. La scène était terrible, épouvantable et morbide*: la mort était quelque chose d’horrible. J’ai mis plusieurs années à m’en remettre. Depuis ce jour là, j’ai commencé à souffrir de crampes et de douleurs abdominales à chaque fois que je me trouvais confrontée à la décomposition ou à la mort; j’avais des crampes et en même temps je retenais mon souffle. A chaque fois que j’étais malade, j’étais sûre que j’allais mourir. Où que j’aille, je voyais mort et décomposition partout; la mort était omniprésente. J’avais aussi de fréquentes angines. Une fois, alors que j’étais très malade et prête de suffoquer, on a pensé que j’avais la diphtérie; je pouvais à peine respirer et mon arrière gorge était paralysée. J’étais tellement fatiguée que je dormais tout le temps; j’ai perdu toute mon année scolaire et j’ai dû redoubler ma classe. A l’âge de dix-huit ans, j’ai eu une tumeur dans l’arrière gorge qui s’est infectée. Je fus opérée et l’opération dura sept heures. Pendant la période climactérique, j’ai de nouveau eu des épisodes de suffocation et j’ai de nouveau eu peur de la mort*. C’était surtout pendant la nuit, j’avais des palpitations et je pensais que c’était la fin, que j’allais mourir étouffée. Aconit m’a bien aidé à ce moment là. »

Malgré tous ces problèmes héréditaires*, elle s’est ‘reconstruite’ petit à petit à l’aide d’une vie saine et bien gérée; elle s’entraîne physiquement et mène une vie équilibrée. Elle est devenue maîtresse dans l’art de faire face à l’omniprésente dissolution*. Lorsqu’elle découvrit l’homéopathie, ses problèmes s’améliorèrent. Les prescriptions de Syphilinum et d’Uranium de Rosina Sonnenschmidt (homéopathe allemande), l’aidèrent bien. Les infections devinrent moins fréquentes et moins graves, et sa formule sanguine s’améliora; les cellules leucémiques baissèrent. Ces dernières années, Phosphorus l’a aussi aidé pour une toux chronique.

Sa couleur préférée est un jaune chaud 3C et un bleu pur 15C. Lorsqu’elle regarde 3C, elle se sent calme et relaxée, au chaud; après quelques instants, elle ressent un certain sentiment de liberté envahir son esprit. Avec 15C, elle éprouve une sensation d’espace, d’eau, et elle se sent bouger librement dans l’eau.

Analyse et suivi

Rétrospectivement, il y a plusieurs indices indiquant la série Uranium, marqués par des astérisques dans le texte. Elle fut même aidée dans le passé par le remède Uranium et les symptômes principaux – CLL et anémie d’Addison – pointent aussi dans cette direction. En dépit de ces indices, je décidai de poursuivre l’histoire de la diphtérie avec paralysie, après l’incident de la morgue, parce qu’elle lui accordait une grande importance. Plusieurs années après, elle souffrit d’une tumeur au même endroit, l’arrière gorge, après des infections répétées des amygdales. Un homéopathe réputé avait déjà poursuivi cette piste et lui avait donné Lac caninum mais sans aucun effet. L’intermède suivant de Diphterinum peut être interprété de bien des manières; peut-être était-il nécessaire pour déblayer ce niveau ou indispensable au drame qui se jouait? Peut-être n’était-il pas du tout nécessaire et Uranium nitricum aurait été capable de résoudre la situation sans intermédiaire. Qui sait?

Après Diphterium 200, une véritable boîte de Pandore s’ouvrit: 20 à 30 minutes après la prise du remède, son problème constant de piqûres douloureuses dans la partie supérieure droite de l’abdomen disparut, puis elle eut une sensation de serrement dans la gorge; une membrane visqueuse se forma sur l’épiglotte, qui lui donna des haut-le-cœur et envie de vomir; c’était tellement gluant et tenace qu’elle n’arrivait pas à la cracher. Après quelques jours, elle devint agitée; elle avait la nausée à la fin des repas et ses gencives étaient rouges et saignaient lorsqu’elle se brossait les dents. Son sommeil, par contre, était réparateur. Au bout d’une semaine, son état empira; elle ne pouvait pas se concentrer, mélangeant dates et dossiers à son cabinet. Son agitation la dérangeait énormément, elle avait le vertige et se sentait pleine de confusion; sa tension monta jusqu’à 160/105. Tout son appareil digestif était en feu, de la bouche à l’anus. « Tout est sens dessus dessous, je n’arrive pas à dormir bien que je sois épuisée, je me tourne et me retourne dans mon lit et me réveille souvent. »

Peu de temps après une autre dose de Diphterinum 200, elle va à la selle normalement et spontanément, ce qui est très rare, mais tout le reste empire: « J’ai le vertige et ma tête est dans un tel état d’agitation, c’est comme si ma cervelle allait éclater. » Au cours de cette même semaine, elle est un peu moins agitée mais « c’est comme si j’avais perdu ma cervelle; je ne peux plus penser, je n’arrive pas à me rappeler de quoi que ce soit, chaque réflexion me demande un effort immense et m’épuise. Je reconnais cet état, c’est le même qu’il y a dix ans alors que je contemplais les fresques des voûtes du Vatican. Il y a comme un nuage autour de ma tête, comme si j’avais un voile devant les yeux. Je m’essuie le front pour essayer de l’enlever. » 

Cinq semaines plus tard, elle m’appelle: « j’ai eu une grippe terrible dont j’ai failli mourir. » Comme son état empirait, elle avait prit d’elle même plusieurs remèdes. Ses difficultés de concentration, en particulier, avaient encore empiré et elle était de nouveau constipée. « Il y a comme un marécage dans ma tête, comme un brouillard, ma tête est pleine. » Deux semaines passent et elle se sent vraiment très mal: sa tête bourdonne douloureusement et elle a un écoulement nasal purulent constant. Son médecin traitant lui a fait une prise de sang (NFS) qui révèle la présence de leucocytes: les LUC (large unstained cells) sont passés à 10, les leucocytes et les blastes atypiques sont en hausse. Les adénopathies cervicales ont augmenté; ganglions en grappe de la taille de noisettes, douloureux au toucher. Il a aussi suggéré une biopsie de moelle osseuse. Après trois mois de traitement, la situation a empiré.

Ce n’est qu’en entendant les mots ‘moelle osseuse’ que l’idée d’un remède de la série Uranium me vint à l’esprit et alors tout devint clair.

- Leucémie lymphoïde chronique; adénopathies avec leucocytes atypiques: série Uranium

- Elle montre qu’elle peut faire face à sa peur de la mort et de la décomposition, et elle démontre qu’elle peut résister à un destin qui semble              inévitable: étape 6 Uranium

- Hypertension: nitricum

- Hypocondriaque: nitricum

Prescription: Uranium nitricum 30C, en utilisant la plussing method du Dr Ramakrishnan.

Les choses vont alors très vite. Dans les deux premières semaines, son état général s’améliore et les adénopathies se résorbent. Trois mois plus tard, elle appelle juste pour me remercier et me dire qu’elle va bien; aucun problème de santé, elle voulait me faire part de la bonne nouvelle. Elle se sent tellement bien qu’elle ne fait plus d’examens sanguins. Six mois plus tard, tout va bien.

                                                  

Les sels Uranium et les hémopathies héréditaires

Il y a des similitudes entre ce cas et celui d’un autre patient âgé qui depuis douze ans répond bien aux prescriptions de différents sels Uranium. Il souffre d’une thalassémie mineure héréditaire. Sa grand-mère, qui est originaire des pays Méditerranéens, et ses deux filles ont hérité de cette maladie. Il est légèrement obèse, passionné par son travail de principal de lycée, et sourit facilement malgré une tendance dépressive marquée. Il est passé maître dans l’art de ne pas prendre les choses trop au sérieux, sans cependant tomber dans la superficialité; il ne semble pas faire semblant, son humour est authentique. Il n’aime pas se plaindre, même lorsqu’il est souffrant mais, contrairement à Arnica, il essaie d’amuser le médecin en plaisantant. Il était militant politique lorsqu’il était plus jeune mais sans appartenance politique particulière. Il aurait aimé créer sa propre école pour réaliser son modèle idéal d’enseignement mais ce désir ne se réalisa pas, principalement à cause des contraintes imposées par le système éducatif officiel.

Un jeune patient qui répond bien au remède Uranium (voir aussi le cas de Markus Kuntosch) souffre d’une forme sévère de sphérocytose héréditaire. Six membres de sa famille ont subi une splénectomie mais il a décidé de ne pas suivre le même chemin et a choisi de se traiter homéopathiquement; depuis deux ans, le traitement est un succès. Lorsqu’il avait quinze ans, il prit pour la première fois une dose d’Uraninitum. Il souffrait de coliques hépatiques dues à une bilirubine alors très élevée (>8mg/dl, la plupart du temps supérieure à 5). Il est étonnamment poilu sur tout le corps depuis l’enfance. Après la première dose d’Uraninitum, il eut un épisode de colique hépatique mais sa bilirubine baissa de moitié. Depuis, il prend une dose une fois par semaine et depuis deux ans fait l’objet d’un remarquable rétablissement.

Photos: Wikimedia Commons
High-power magnification of peripheral blood smear showing chronic lymphocytic leukemia; Mary Ann Thompson
Death allegory
Pitchblende from Niederschlema-Alberoda deposit; Geomartin

 

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Mots clés: leucémie lymphoïde chronique, décomposition et mort, tenir bon contre toutes attentes
Remèdes: Uranium nitricum

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Richard Boulanger Homéopathe
Posts: 5
Comment
Oct 2010 Uranum nitricum
Reply #1 on : Wed December 10, 2014, 03:57:41
Bonjour Ulrich, je suis intéressé par un livre homéopathique sur les métaux, avez-vous un bouquin à me suggérer
Merci à l'avance
Richard